MÉTHODOLOGIE RELATIVE À L'ÉVALUATION DES ACTIFS IMMOBILIERS
En France, l'activité d'Expert en évaluation immobilière n'est réglementée qu'en partie dans le cadre des Expertises judiciaires et des Expertises agricoles, foncières et forestières.
L'ensemble de ces textes s'inscrit dans les efforts d'harmonisation de l'Union Européenne et est compatible avec les prescriptions administratives, réglementaires ou législatives déjà en vigueur.
Ces différents textes doivent servir de fondement d'une part, à une meilleure transparence et lisibilité des évaluations immobilières, d'autre part, à une meilleure organisation des professionnels.
Le présent article a donc pour objectif de fournir un référentiel de base commun aux Experts en évaluation immobilière, mais aussi d'être une source d'information pour toute personne, organisme professionnel ou privé, concernés par des questions d'évaluation immobilière.
L'Expert reste libre du choix des principes et des méthodes adaptées aux conclusions qu'il doit produire. Toutefois il doit exister entre les adhérents à la Charte un consensus sur les grands principes d'évaluation, la méthodologie de base et la présentation des Rapports d'Expertise.
A - Types de valeurs
Il existe deux catégories de valeurs en matière de terrains et de bâtiments :
- les valeurs de marché (valeur vénale, valeur locative),
- les valeurs de remplacement (coût de remplacement brut ou net).
1 - Les valeurs de marché
Valeur vénale
C'est le prix auquel un droit de propriété pourrait raisonnablement être vendu sur le marché à l'amiable au moment de l'Expertise, les conditions suivantes étant supposées préalablement réunies :
a) la libre volonté du vendeur et de l'acquéreur,
b) un délai raisonnable pour la négociation, compte tenu de la nature du bien et de la situation du marché,
c) que la valeur soit à un niveau sensiblement stable pendant ce délai,
d) que le bien ait été proposé à la vente dans les conditions du marché, sans réserves, avec une publicité adéquate,
e) l'absence de facteurs de convenance personnelle.
Valeur locative
C'est la contrepartie financière annuelle susceptible d'être obtenue sur le marché de l'usage d'un bien immobilier dans le cadre d'un contrat de location.
Elle correspond donc au loyer de marché qui doit pouvoir être obtenu d'un bien immobilier aux clauses et conditions usuelles des baux pour une catégorie de biens et dans une région données.
La notion de valeur locative de marché implique qu'il n'y a pas, parallèlement à la conclusion du bail, de versement d'une somme en capital soit au locataire précédent (droit au bail), soit au propriétaire (pas de porte, droit d'entrée).
La valeur locative de marché est exprimée hors droit de bail ou hors TVA, et hors charges locatives, ou de toute autre nature, refacturées au preneur.
2 - Les valeurs de remplacement
Coût de remplacement brut
Il s'agit du coût d'achat du terrain et du coût de construction des bâtiments, à l'identique ou à l'équivalent, qui s'y trouvent, impôts non récupérables, frais, taxes, honoraires inclus.
Coût de remplacement net
Il s'agit du coût de remplacement brut, duquel on déduit la dépréciation pour vétusté et obsolescence.
B - Méthodes d'évaluation
Il existe quatre grandes familles de méthodes d'évaluation de biens immobiliers.
Les méthodes par comparaison directe (ou méthodes par le marché)
Celles-ci consistent à comparer le bien faisant l'objet de l'Expertise, à des transactions effectuées sur des biens équivalents en nature et en localisation, à une date la plus proche possible de la date d'Expertise.
Les méthodes par le revenu
Celles-ci consistent à capitaliser ou actualiser un revenu annuel, qu'il s'agisse d'un loyer constaté ou d'une valeur locative, d'un revenu brut ou d'un revenu net, pour parvenir à une valeur vénale.
Les méthodes par le coût de remplacement
Celles-ci consistent à reconstituer le prix de revient du bien, en déduisant le cas échéant une dépréciation. Cette dernière catégorie de méthodes est peu utilisée en matière de valeur de marché. Elle est plus fréquemment utilisée pour des biens immobiliers très spécialisés ou pour définir des valeurs d'utilité ou d'exploitation.
Les méthodes dites "professionnelles"
Celles-ci s'appliquent à des catégories de biens immobiliers spécifiques ou de type monovalent (cliniques, hôpitaux, hôtels, cinémas, théâtres ...) lorsque leur affectation est maintenue. Ces méthodes sont en fait des dérivés des méthodes par le revenu ou par comparaison.
On peut y assimiler la méthode dite du "bilan promoteur" parfois appelée méthode de récupération foncière ou du compte à rebours opérateur. Cette méthode consiste à déterminer la valeur d'un terrain, d'une charge foncière ou d'un immeuble à reconstruire, à rénover ou à réhabiliter, en partant du prix de vente final d'une opération de promotion, de réhabilitation ou d'aménagement, et en déduisant le coût des travaux et les différents frais liés à l'opération.
MÉTHODOLOGIE RELATIVE À L'ÉVALUATION DES ACTIFS IMMOBILIERS
CONCEPTS DE VALEURS
A · Valeur vénale
B · Valeur locative de marché
C · Valeur d'utilité
D · Coût de remplacement brut
E · Coût de remplacement net
F · Valeur d'apport
G · Prix de convenance
H · Valeur de vente forcée
I · Valeur à neuf
J · Valeur d'assurance
K · Valeur du droit au bail
DÉFINITIONS DES SURFACES
A · Surface cadastrale
B · Surface hors Oeuvre brute
C · Surface hors Oeuvre nette
D · Surface utile brute
E · Surface utile nette
F · Surface utile pondérée
G · Surface GLA
H · Surface commercialisable
I · Surface habitable
J · Surface développée hors Oeuvre pondérée
K · Superficie privative (Loi Carrez)
MÉTHODES D'EVALUATION
A · Méthodes par comparaison
B · Méthodes par le revenu
C · Méthodes par le coût de remplacement
D · Méthodes indiciaires
E · Méthode dite du bilan promoteur
F · Méthodes dites professionnelles
TYPOLOGIE DES REVENUS
A · Loyer (revenu brut)
B · Valeur locative de marché
C · Revenu semi net
D · Revenu net
E · Cash flow
TAUX DE RENDEMENT ET TAUX D'ACTUALISATION
A · Taux de capitalisation théorique
B · Taux de rendement théorique
C · Taux de capitalisation effectif
D · Taux de rendement effectif
E · Taux de rendement sur revenu net
F · Taux de capitalisation net
G · Taux de rendement interne
H · Taux d'actualisation
A - Valeur vénale
La valeur vénale correspond au prix auquel un bien ou un droit immobilier pourrait raisonnablement être cédé en cas de vente amiable au moment de l'Expertise, les conditions suivantes étant supposées préalablement réunies :
- la libre volonté du vendeur et de l'acquéreur,
- la disposition d'un délai raisonnable pour la négociation, compte tenu de la nature du bien et de la situation du marché,
- le maintien de la valeur à un niveau sensiblement stable pendant ce délai,
- que le bien ait été proposé à la vente dans les conditions du marché, sans réserves, avec une publicité adéquate,
- l'absence de facteurs de convenance personnelle.
Peuvent être considérés comme des synonymes de la valeur vénale les termes de valeur marchande, valeur de marché ou encore valeur de réalisation (expression utilisée dans le décret du 5 Novembre 1990 concernant les Compagnies d'Assurances).
La valeur vénale d'un bien immobilier peut être définie dans deux hypothèses :
- la valeur d'un bien libre ou supposé tel, partant du principe que le bien est vacant et libre de tout titre d'occupation.
- la valeur du bien "occupé", qui tient compte de la présence dans les lieux d'occupants, titrés ou non. Dans ce dernier cas, la valeur dépend aussi des conditions juridiques et financières de l'occupation et de la qualité du ou des occupants.
La valeur vénale est en principe exprimée hors droits de mutation ou hors taxe à la valeur ajoutée pour l'immobilier professionnel et commercial soumis au régime T.V.A, T.T.C. pour l'habitation soumise au régime T.V.A., et hors frais d'acquisition (publicité, frais d'actes, honoraires).
En règle générale la valeur vénale est déterminée :
- soit par une approche par comparaison directe,
- soit par la capitalisation ou actualisation d'un revenu théorique ou effectif.
Les autres méthodes d'évaluation, notamment celles par le coût de remplacement, ne sont utilisées que de manière exceptionnelle, c'est-à-dire soit à titre de recoupement, soit lorsque l'application de l'une ou l'autre des deux principales méthodes se révèle impossible ou malaisée.
Immeubles collectifs
Deux approches de la Valeur Vénale peuvent être pratiquées pour les immeubles collectifs, en particulier pour le logement :
- soit une vente " en bloc ",
- soit une cession lot par lot (" vente à la découpe ").
Usage actuel ou usage alternatif
Plusieurs approches de la Valeur Vénale sont possibles suivant que l'on suppose l'immeuble dans son usage actuel ou dans un autre usage. Les conclusions peuvent bien entendu être très différentes en fonction d'usages divers suivant les conditions du marché et le coût de transformation.
B - Valeur locative de marché
Elle s'analyse comme la contrepartie financière annuelle de l'usage d'un bien immobilier dans le cadre d'un bail. Elle correspond donc au loyer de marché qui doit pouvoir être obtenu d'un bien immobilier aux clauses et conditions usuelles des baux pour une catégorie de biens et dans une région données.
La valeur locative de marché intègre éventuellement l'incidence de toute somme ou versement en capital, soit au locataire précédent (droit au bail), soit au propriétaire (pas de porte, droit d'entrée, indemnité de changement d'activité, etc...).
La valeur locative de marché est exprimée hors droit de bail ou hors TVA, et hors charges locatives, ou de toute autre nature, refacturées au preneur.
En ce qui concerne l'immobilier d'habitation, les lois et règlements fixent de manière précise les charges incombant respectivement aux locataires et propriétaires.
Pour l'immobilier d'entreprise, il n'existe pas de telle répartition et suivant les baux, tout ou partie des charges sont ou non refacturées aux locataires.
C - Valeur d'utilité
La valeur d'utilité est définie comme la somme d'argent (ou encore l'investissement global), qu'un Chef d'entreprise prudent et avisé devrait accepter de décaisser pour pouvoir disposer d'un bien directement nécessaire à l'exercice de son activité.
Elle a été parfois désignée sous d'autres vocables tels que : valeur d'usage, valeur d'utilisation, valeur d'exploitation. Elle peut être rapprochée de la notion de coût de remplacement (voir infra). Elle se rapproche également de la "Valeur Actuelle" telle qu'elle est définie dans le Code de Commerce à savoir : "la valeur d'estimation qui s'apprécie en fonction du marché et de l'utilité du bien pour l'entreprise".
La Valeur d'utilité peut se calculer selon deux types de méthodes, en fonction de la nature du bien à évaluer :
- soit il s'agit d'un bien relativement "standard ou courant" ; dans ce cas la valeur d'utilité correspond à la Valeur Vénale augmentée des impôts, taxes et frais sur l'acquisition ainsi que des éventuels travaux d'adaptation ou d'aménagement ;
- soit il s'agit d'un bien spécifique, et c'est alors une méthode par le coût de remplacement qui sera utilisée.
D - Coût de remplacement brut
Il sert notamment à définir la valeur de remplacement d'un immeuble.
Il comprend le coût d'achat du terrain et le coût de construction des bâtiments et agencements immobiliers, impôts non récupérables, frais, taxes et honoraires inclus.
E - Coût de remplacement net
Il s'agit du coût de remplacement brut duquel on déduit une dépréciation tenant compte de la vétusté et de l'obsolescence.
F - Valeur d'apport
La valeur d'apport est celle pouvant être affectée à un bien immobilier dans le cadre d'une opération d'apport déterminée ou de transfert d'actif.
Elle est fonction de la nature de l'opération et de la destination des biens convenue entre les parties. La valeur d'apport n'existe donc pas sui generis mais bien dans le cadre d'une opération précise.
C'est donc aux parties (apporteurs et apportés) de définir quel type de valeur (et partant, quelles modalités de calculs), doit être choisi, et ce, sous le contrôle des Commissaires aux Apports.
G - Prix de convenance
Le prix de convenance particulière traduit le prix de réalisation sur le marché d'un bien dans des circonstances spéciales qui ont faussé le jeu normal de la loi de l'offre et de la demande.
Ce prix résulte du fait que l'une des parties à été motivée par une convenance particulière, donc propre à elle seule, et exogène par rapport au marché immobilier.
Le prix de convenance est donc distinct de la valeur vénale moyenne, même si les parties prenantes à l'opération n'ont pas réalisé une opération défavorable de leur propre point de vue.
Le prix de convenance est généralement considéré comme non opposable au regard de la réglementation fiscale.
H - Valeur de vente forcée
Il s'agit de la valeur de réalisation d'un bien ou d'un droit immobilier dans un contexte de contrainte, quelle que soit la nature de ce contexte (judiciaire, psychologique, financier ou autre). Elle traduit une différence sensible, du moins dans la majorité des cas, avec la valeur vénale moyenne.
L'expropriation ne rentre pas, a priori, dans le cadre d'une vente forcée ; en effet si l'aliénation a un caractère obligatoire, les bases d'indemnisation doivent être la valeur du marché et le dommage subi par l'exproprié à la date de référence.
I - Valeur à neuf
Celle-ci se définit comme le coût de reconstruction de bâtiments et d'équipements de nature immobilière (immeubles par destination), honoraires et frais techniques inclus.
À la différence de la valeur de marché, elle est généralement établie à l'identique ou à l'équivalent sur la base de devis.
Elle ne concerne que les bâtiments et les équipements (Services Généraux ou Eléments de confort) qui y sont liés.
J - Valeur d'assurance
La valeur d'assurance est la valeur pour laquelle un bien est assuré auprès d'une Compagnie. Elle sert de base de calcul au versement des primes annuelles d'Assurances et de base de discussion pour le montant éventuel des indemnités en cas de sinistre.
La valeur d'assurance peut recouvrir deux notions :
- la valeur à neuf, définie plus haut (calculée à l'identique ou à l'équivalent),
- la valeur à neuf vétusté déduite (valeur à neuf à laquelle a été appliqué un coefficient de vétusté tenant compte de l'âge du bien et de son état d'entretien).
En France, la valeur d'assurance est exclusivement déterminée par un certain nombre de cabinets spécialisés agréés par l'Assemblée Plénière des Sociétés d'Assurances et de Dommages (APSAD).
K - Valeur de droit au bail
Il s'agit du prix moyen qu'un locataire est susceptible de retirer de la cession de son bail à un successeur.
Le droit au bail est donc la contrepartie économique des avantages que constitue la reprise d'un bail existant, comportant des clauses plus ou moins avantageuses et l'existence d'un loyer qui peut apparaître sensiblement différent des loyers pratiqués sur le marché. En matière de commerces, l'emplacement revêt un intérêt particulier car il a une conséquence directe sur l'activité.
L'évaluation d'un droit au bail consiste donc à apprécier la valeur de l'ensemble des différents avantages dont va bénéficier un locataire pendant une période de temps variable.
La valeur du droit au bail est généralement inversement proportionnelle au montant du loyer versé dans le cadre du bail. Elle croît avec la durée prise en considération et les degrés de protection ou les avantages dont bénéficie le locataire en vertu du bail.
Il convient de bien distinguer le droit au bail :
- d'une part, du fonds de commerce dont il peut être l'une des composantes,
- d'autre part, du droit d'entrée ou du pas de porte qui s'analysent quant à eux, comme la contrepartie d'avantages lors de la conclusion d'un bail, d'un avenant ou du renouvellement de celui-ci, et qui sont versés au propriétaire.
Le droit d'entrée ou pas de porte constitue en fait la contre-valeur en capital d'un loyer et dispose d'un régime juridique et fiscal sensiblement différent de celui du droit au bail.
La suite dans le prochain article